dimanche 28 juillet 2013

Ruisseau de la Brasserie, suite

Le 23 juillet en après-midi, je suis retournée au Ruisseau de la Brasserie pour finir mon ouvrage. Lors du Bioblitz du 12 juillet, j'avais exploré une bonne partie du ruisseau, mais je ne m'étais pas rendue jusqu'au bout. Il faut dire que la progression est ici très lente. On est souvent placé devant des choix déchirants: soit s'enliser dans la boue jusqu'à mi-cuisse, soit rester à pied sec, mais dans des bosquets d'herbe à puces...

Le voyage en valait largement la peine. Il y avait ici des libellules en quantité hallucinante. J'entendais les frou-frous et cliquetis des ailes autour de ma tête.




Liste des espèces observées:

L'Anax précoce (Anax junius)
La Périthème délicate (Perithemis tenera)
La Pachydiplax (Pachydiplax longipennis)
La Mélancolique (Libellula luctuosa)
La Lydienne (Plathemis lydia)
La Gracieuse (Libellula pulchella)
La Voluptueuse (Libellula incesta)
L'Érythème des étangs (Erythemis simplicicollis)
La Célithème géante (Celithemis eponina)
Le Sympétrum éclaireur (Sympetrum obtrusum)
Le Sympétrum intime (Sympetrum internum)
L'Épithèque princière (Epitheca princeps) (exuvies seulement)
Le Gomphe marqué (Stylurus notatus) (exuvies seulement)
Le Leste élancé (Lestes rectangularis)
Le Leste inégal (Lestes inaequalis)
L'Agrion exilé (Enallagma exsulans)
L'agrion des scirpes (Enallagma carunculatum)
L'Agrion vertical (Ischnura verticalis)
L'Agrion minuscule (Enallagma geminatum)
L'Argie svelte (Argia moesta)


Je n'ai pas été surprise de voir la Périthème délicate (Perithemis tenera) ici. Ce qui m'a surpris, par contre, c'est de voir qu'elle y était la libellule dominante en nombre au moment de ma visite. J'ai du mal à estimer la taille de cette population. Je dirais quelques centaines à tout le moins. Cette toute petite libellule, répertoriée pour la première fois à Gatineau tout juste en 2012, s'est donc non seulement établie ici, mais elle a su s'imposer. La Pachydiplax (Pachydiplax longipennis), une autre espèce d'introduction très récente dans le sud du Québec, est également présente en grand nombre ici.

Je me suis demandée s'il s'agissait d'espèces introduites ou que l'on pourrait qualifier d'espèces exotiques envahissantes; la réponse est non. Il s'agit d'une extension d'aire vers le nord pour des espèces indigènes en Amérique du Nord. Elles sont arrivées ici au vol, profitant sans doute de vents favorables.  Les conditions qu'elles ont trouvées dans les étangs urbains semblent leur avoir plu. Sont-elles ici pour y rester? C'est à suivre. La présence des très nombreuses exuvies de ces 2 espèces que j'ai trouvées ici cet été démontrent à tout le moins que les larves ont survécu à l'hiver et à la crue printanière particulièrement longue de cette année. 

Périthème délicate (Perithemis tenera) mâle

Périthème délicate (Perithemis tenera) femelle en train de pondre
Périthème délicate (Perithemis tenera) femelle dans un champ à côté du ruisseau


Exuvie de Périthème délicate (Perithemis tenera)

Exuvie de Périthème délicate (Perithemis tenera)

Les Périthèmes délicates ne sont pas seules ici. Tout le cortège des libellules habituelles dans les eaux stagnantes du coin est au rendez-vous. Quelques photos:

Erythème des étangs (Erythemis simplicicollis) femelle en train de manger une autre libellule (on dirait bien une Périthème délicate).

La Voluptueuse (Libellula incesta)

Une Mélancolique (Libellula luctuosa) qui en a perdu un bout. Elle volait malgré tout plutôt bien. 

L'Anax précoce (Anax junius). Le mâle tient la femelle par le cou pendant qu'elle pond.

La dernière section du ruisseau est une zone de transition entre le ruisseau et la rivière des Outaouais. J'y ai trouvé des espèces typiques des eaux stagnantes, mais en nombre décroissant à mesure que l'on s'approche de la rivière. À l'inverse, les espèces de grandes rivières commencent à apparaître près de la sortie du ruisseau.

Dernière partie du ruisseau. Au fond, la rivière des Outaouais. De l'autre côté, la ville d'Ottawa. De chaque côté, des forêts d'érable argentée qui font partie de la plaine inondable de la rivière et qui viennent à peine de s'assécher.


L'exuvie d'une espèce typique des grandes rivières: le Gomphe marqué (Stylurus notatus). Il y en avait quelques unes près de l'embouchure du ruisseau, là où il commence à y avoir des vagues.

Tout près de l'embouchure du ruisseau, il y de grandes forêts d'érables argentés. Elle font partie de la plaine inondable de la rivière. Des Lestes (espèce non identifiée) émergeaient de petites mares sur le point de disparaître. Des Sympétrums intimes (Sympetrum internum) volaient aux alentours.



Sympétrum intime (Sympetrum internum)

Enfin, dans un champ tout à côté du ruisseau, j'ai vu de nombreuses Périthèmes délicates (Perithemis tenera) femelles, ainsi qu'une espèce que je guettais, mais n'avais pas encore vue cette année: La Célithème géante (Celithemis eponina). Il s'agit elle aussi d'une espèce répertoriée pour la première fois à Gatineau en 2012. Elle semblait toute fraîche, peut-être s'agit-il d'une espèce un peu plus tardive que nous verrons en plus grand nombre au mois d'août? À suivre.

Célithème géante (Celithemis eponina). Elle semble vraiment géante à côté de ma main. C'est une illusion d'optique. En réalité elle est grande, mais pas n'est pas tant que ça!

Est-ce que c'est de bon augure de voir s'implanter à Gatineau autant de nouvelles espèces venues du sud? D'un côté, c'est très excitant de voir ces magnifiques espèces colorer nos étangs de leur présence. C'est aussi positif, je trouve, de voir que des milieux urbains peuvent soutenir une telle quantité de libellules appartenant à un tel nombre d'espèces différentes. Ça en fait assurément des milieux riches en biodiversité et surtout extrêmement productifs, ce au bénéfices de tous les prédateurs aquatiques ou aériens du coin.

D'un autre côté, on ne peut pas faire autrement que de penser en terme de réchauffement climatique. Les libellules sont en effet de plus en plus utilisée comme indicateurs dans des études sur le réchauffement climatiques. Ces études s'appuient sur une quantité de données échelonnées sur plusieurs années, et tiennent comptent de multiples facteurs. Notre inventaire amateur des libellules de Gatineau ne répond pas du tout à ces critères, alors vaut mieux s'abstenir de tirer des conclusions hâtives! Je remplis très sérieusement mes fiches d'observation pour l'Atlas des libellules du Québec à chaque excursion que je fais. Je ne suis pas la seule à le faire à l'échelle du Québec. Je pense que lorsque cette base de données sera plus complète, elle constituera une petite mine d'or pour des chercheurs en écologie désireux d'étudier les changements climatiques.

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