mercredi 18 décembre 2013

Joyeuses fêtes!


Que font les entomologistes en hiver?

Entre deux fournées de biscuits au gingembre, ils font des observations à la loupe binoculaire. Ils comptent les poils au menton de leurs exuvies. Foulard au cou, Ils étiquettent, compilent, écrivent…

Ils regardent tomber les flocons de neige et rêvent aux libellules.




lundi 18 novembre 2013

Libellules de Deschênes: bilan

J'ai souvent parlé de Deschênes dans ce blogue. Deschênes, c'est un quartier dans le secteur Aylmer de la ville de Gatineau (carte Google). Ce quartier est bordé par la rivière des Outaouais et contient de nombreux milieux humides. Quelques photos pour situer l'action:


Les rapides Deschênes (8 avril 2013)

Le marais Lamoureux, oeuvre des castors (22 avril 2013)

Le même marais Lamoureux (9 juin)

Un pont dans la forêt inondée (25 juin 2013)

Marécage forestier (4 août 2013)

La rivière en aval des rapides (19 août 2013)

La rivière en amont des rapides ("Lac Deschênes") (14 septembre 2013)


L'association des résidents du quartier, de pair avec différents organismes du milieu, font depuis quelques années de grands efforts pour protéger et mettre en valeur le patrimoine historique et naturel exceptionnels du quartier (voir références à la fin de l'article).

J'ai ajouté mon humble grain de sel dans cet effort collectif en faisant l'inventaire de ses libellules et demoiselles (Odonates). Voici la liste des espèces que j'ai rencontrées dans Deschênes au fil de l'été:

1         Caloptéryx à taches apicales (Calopteryx aequabilis)     
2         Caloptéryx bistrée (Calopteryx maculata)                                              
3         Leste tardif (Lestes congener)        
4         Leste disjoint (Lestes disjunctus)   
5         Leste dryade (Lestes dryas)                      
6         Leste à forceps (Lestes forcipatus)
7         Leste élancé (Lestes rectangularis)           
8         Leste onguiculé (Lestes unguiculatus)                                         
9         Argie svelte (Argia moesta)           
10       Agrion résolu (Coenagrion resolutum)      
11       Agrion des scirpes (Enallagma carunculatum)    
12       Agrion civil (Enallagma civile)       
13       Agrion enivré            (Enallagma ebrium)           
14       Agrion exilé   (Enallagma exsulans)          
15       Agrion orangé (Enallagma signatum)      
16       Agrion vespéral (Enallagma vesperum)   
17       Agrion posé   (Ischnura posita)     
18       Agrion vertical (Ischnura verticalis)         
19       Déesse paisible (Nehalennia irene)
20       Aeschne du Canada (Aeshna canadensis)
21       Aeschne constrictor (Aeshna constricta)  
22       Aeschne à tubercules (Aeshna tuberculifera)      
23       Aeschne des pénombres (Aeshna umbrosa)       
24       Anax précoce            (Anax junius)
25       Aeschne vineuse (Boyeria vinosa)
26       Gomphe épineux (Dromogomphus spinosus)     
27       Gomphe exilé            (Gomphus exilis)     
28       Gomphe fraternel (Gomphus fraternus)  
29       Gomphe-cobra (Gomphus vastus) 
30       Hagénie (Hagenius brevistylus)     
31       Gomphe marqué (Stylurus notatus)         
32       Macromie brune (Didymops transversa) 
33       Macromie noire (Macromia illinoiensis)                                      
34       Épithèque canine (Epitheca canis)           
35       Épithèque à queue de beagle (Enallagma cynosura)    
36       Épithèque princière            (Epitheca princeps)
37       Célithème géante (Celithemis eponina)    
38       Érythème des étangs (Erythemis simplicicollis)
39       Leucorrhine mouchetée (Leucorrhinia intacta)  
40       La mélancolique (Libellula luctuosa)        
41       La gracieuse (Libellula pulchella)   
42       La quadrimaculée (Libellula quadrimaculata)     
43       La lydienne   (Plathemis lydia)
44       Sympétrum rubigineux (Sympetrum costiferum)          
45       Sympétrum intime   (Sympetrum internum)       
46       Sympétrum éclaireur (Sympetrum obtrusum)   
47       Sympétrum semi-ambré (Sympetrum semicinctum)     
48       Sympétrum tardif (Sympetrum vicinum)
49       Pachydiplax  (Pachydiplax longipennis)
50       Périthème délicate (Perithemis tenera)   



Nombre d'espèces:

Le nombre d'espèces rencontrées en une seule année d'observation est assez exceptionnel. Ce n'est toutefois qu'un début. À titre de comparaison, j'ai entendu dire que dans la Britannia Conservation Area, tout juste de l'autre côté de la rivière, nos collègues du Ottawa Field-Naturalists' Club avaient répertorié plus de 70 espèces d'Odonates! Je suis persuadée que nous pourrions atteindre un nombre d'espèces du même ordre en augmentant le nombre d'observateurs du côté québécois de la rivière des Outaouais.



Espèces rares, vulnérables ou menacées

Une seule espèce est susceptible d'être désignée vulnérable ou menacée au Québec: il s'agit de l'Érythéme des étangs. Cette espèce est commune et répandue dans toute son aire de distribution, y compris à Gatineau. Elle est toutefois ici à l'extrême nord de sa distribution. Elle se reproduit et prolifère dans Deschênes.


Érythème des étangs (Erythemis simplicicollis) mâle


Espèces d'introduction récente au Québec

Aucune libellule exotique n'a été trouvée dans les milieux naturels du Québec à ce jour. Toutefois, certaines espèces indigènes sont en train d'étendre leur aire de distribution vers le nord. Dans Deschênes, j'ai rencontré 3 espèces qui sont d'introduction récente au Québec: la Célithème géante, la Pachydiplax et la Périthème délicate. Je n'ai trouvé d'exuvie pour aucune de ces espèces. Il n'est donc pas certain qu'elles se reproduisent dans Deschênes.


Pachydiplax (Pachydiplax longipennis) mâle

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Autres observations d'intérêt


Le trio Gomphe-cobra, Gomphe fraternel et Gomphe marqué:

Un trio d'espèces caractéristiques de grandes rivières, comme…le Mississipi! J'ai ramassé des exuvies de ces espèces le long de la rivière, ce qui prouve qu'elles vivent et se reproduisent ici. Mon inventaire n'était pas assez systématique pour que je puisse quantifier leur population précisément. Il s'agit d'un nombre assez appréciable selon moi.


Exuvie de Gomphe fraternel (Gomphus fraternus):                            Exuvie de Gomphe marqué (Stylurs notatus):


Gomphe fraternel (Gomphus fraternus) mâle

Gomphe marqué (Stylurus notatus) mâle en émergence



Population hivernante d'Anax précoce:

L'Anax précoce est une espèce dont le cycle de vie est unique. Sous nos latitudes, la plupart des individus sont des migrateurs. Lorsque le climat le permet, l'Anax peut aussi utiliser une autre stratégie de vie en parallèle avec la stratégie migratrice. Cette stratégie alternative est similaire à celle des autre Aeshnidés québécois: développement larvaire étendu sur plus d'une année qui implique la survie de la larve en hiver sous la glace. J'ai fait la récolte systématique d'exuvies sur une partie des berges du marais Lamoureux dans Deschênes, ce qui m'a permis de documenter, pour la première fois au Québec, la présence d'une population locale et hivernante d'Anax. Nous sommes probablement l'un des endroits les plus nordiques où peuvent s'observer en parallèle les 2 stratégies de vie de l'Anax.

Exuvie d'Anx précoce (Anax junius) récolté en juin 2013 (population locale ayant hiverné à Deschênes)

Anax précoce (Anax junius), immature frais émergé en septembre 2013 (population migratrice)


Population importante d'Aeschne constrictor:

L'Aeschne constrictor est une espèce commune dans le sud du Québec. Cependant, il existe peu de documentation sur l'habitat requis pour le développement larvaire. J'ai observé l'accouplement et la ponte de cette espèce en quelques endroits à Deschênes. J'ai, de plus, ramassé bon nombre d'exuvies. Ces indices suggèrent que la population d'Aeschne constrictor est importante à Deschênes, et permettront de mieux documenter les habitats préférentiels de cette espèce.

Aeschne constrictor (Aeshna constricta), femelles en train de pondre dans des feuilles de rubannier:

Forme bleue (31 août 2013) 

Forme verte (1er octobre 2013)

Exuvie d'Aeschne constrictor (Aeshna constricta) (17 juillet 2013)

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Habitats à surveiller dans Deschênes:

Les milieux les plus riches en termes de libellules sont: 1) la rivière des Outaouais en amont des rapides; 2) les marais (Lamoureux et Groulx); 3) le marécage forestier (trop-plein du marais Lamoureux).

J'ai été surprise de ne trouver aucune larve, ni aucune exuvie de libellule vis-à-vis des rapides Deschênes. Les larves et exuvies de Plécoptères y sont cependant fort nombreuses. Les grandes dalles rocheuses au fond de l'eau ne sont peut-être pas un bon habitat pour les larves d'Odonates?

Une autre surprise pour moi a été de constater la relative pauvreté en Odonates dans les ruisseaux (ou fossés) qui se drainent dans la Baie Simard, en aval des rapides, ainsi que dans la Baie Simard en tant que tel. Cette baie a d'ailleurs été couverte d'algues vertes pendant une bonne partie de l'été. Mauvaise qualité de l'eau? Présence de phosphates ou autres contaminants dans l'eau des ruisseaux (ou fossés)? Je me pose des questions.

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Je termine mon petit reportage sur l'odonatofaune de Deschênes avec quelques photos d'animaux que j'ai rencontré cet été dans Deschênes et qui se nourrissent, du moins en partie, de libellules. Ceci pour illustrer l'importance des libellules dans la chaîne alimentaire et l'écologie de Deschênes.


Crapaud d'Amérique

Grenouille léopard

Tortue serpentine

Couleuvre rayée

Grand héron et Crapet soleil: 2 grands prédateurs de larves de libellules

Colverts et Bernaches du Canada, un jour d'émergence massive de gomphidés... 

De très nombreux autres animaux, surtout parmi les poissons et les oiseaux, se nourrissent de libellules.

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Pour en savoir plus sur le patrimoine historique et naturel de Deschênes:



Club des ornithologues de l'Outaouais, 2008. Guide des sites d'observation des oiseaux de l'Outaouais, 2ème édition. ISBN 978-2-9800194-4-9.

lundi 11 novembre 2013

Liste préliminaire des libellules de Gatineau

J'ai fait une première liste des libellules de Gatineau:

Liste préliminaire des libellules et demoiselles (Odonata) de la ville de Gatineau (Québec, Canada)

Il me reste encore un peu de travail d'identification et de compilation.

Cette liste préliminaire est tout de même intéressante à plusieurs égards:

  • Le nombre d'espèces rencontrées à Gatineau est impressionnant: au moins 73 espèces confirmées entre 2011-2013 dans le périmètre urbain.
  • Un examen des articles publiés entre 1908 et 2009, compilés par Michel Savard dans l'Atlas préliminaire des libellules du Québec (2011), permet d'ajouter 30 espèces supplémentaires qui ont déjà été vues, mais que nous n'avons pas revues ces dernières années. Pourquoi? Effort d'inventaire insuffisant ou habitats perdus? Une question à creuser davantage avant de répondre.
  • Nous avons potentiellement perdu des espèces, mais en avons aussi gagné quelques unes récemment. Ce sont des demoiselles (Zygoptera) et des Libellulidées notoirement tolérantes aux habitats urbains parfois très dégradés.


J'invite tous les odonatologistes urbains des environs à communiquer avec moi s'ils ont observé de ces libellules "potentiellement disparues" dans la ville de Gatineau. En particulier: quelques espèces des genres Ophiogomphus et Somatochlora ont déjà été rapportées dans Hull au début du XXe siècle. Je ne suis pas sûre qu'elles ont été revues depuis. En avez-vous vu, quelqu'un?


dimanche 3 novembre 2013

Libellules et pollution

Dans mon billet du 15 octobre, je faisais le bilan des libellules du ruisseau de la Brasserie. Depuis ce temps, l'organisme environnemental Sentinelle Outaouais a dévoilé les résultats de ses tests de qualité de l'eau. Le nombre très élevé de coliformes fécaux dans l'eau, résultat de déversement d'égouts domestiques non traités dans le ruisseau, a attiré l'attention des médias:

"Le ruisseau de la Brasserie, une source élevée de bactéries" Radio-Canada, le 20 octobre 2013

"Le ruisseau de la Brasserie: autopsie d'un malade" Le Droit, 26 octobre 2013

Mais comment se fait-il qu'on ait observé une telle richesse de libellules dans un cours d'eau aussi dégradé??!

Toutes les larves de libellules et demoiselles sont aquatiques. On considère en général que leur tolérance à la pollution est moyenne (Moisan, 2010). Question de nuancer un peu, je lis que Michel Savard, dans l'Atlas préliminaire des libellules du Québec (2011), estime que le quart des espèces de libellules du Québec peuvent provisoirement être classées comme rares. La grande majorité de ces espèces viendrait de milieux d'eau courante ou de tourbières, des habitats particuliers et sensibles à la dégradation. Soyons clairs: aucune de ces espèces n'a été trouvée au ruisseau de la Brasserie.

À l'autre extrémité du spectre, certaines espèces ont été trouvées très tolérantes à la pollution. Ce sont des espèces polyvalentes et assez "flexibles" en terme d'habitat. Paulson (2011) identifie 4 espèces particulièrement tolérantes aux milieux urbains dégradés; je les ai toutes rencontrées à Gatineau:

Agrion orangé (Enallagma signatum), marina d'Aylmer, le 21 juillet 2013 

Agrion orangé (Enallagma signatum), rivière des Outaouais (Deschênes) le 30 juillet 2013

Agrion exilé (Enallagma exsulans), ruisseau/fossé dans Deschênes, le 1er août 2012

Agrion posé (Ischnura posita), décharge du Lac Leamy, le 29 août 2013

La lydienne (Plathemis lydia), ici une femelle, Deschênes, le 9 septembre 2013

Le fait que l'on puisse trouver un grand nombre de libellules, à la fois en terme de quantité que de diversité d'espèces, dans un endroit aussi pollué que le ruisseau de la Brasserie me semble très positif. Pour moi, ça veut dire que même si un milieu est dégradé et loin d'être idéal, il y a encore de l'espoir! Il s'agit de laisser la végétation s'installer, puis les libellules s'installent et prolifèrent. Devant ce buffet fantastiques, poissons, canards, échassiers et oiseaux de toutes sortes viennent s'installer, etc etc. La nature est tellement résiliante.

Ça n'empêche pas que l'on puisse donner un petit coup de pouce pour accélérer l'assainissement et la naturalisation du ruisseau.

Surtout, ce n'est pas une excuse pour continuer à déverser ses égouts dans les rivières!

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Sources:

Moisan, J., 2010. Guide d’identification des principaux macroinvertébrés benthiques d’eau douce du Québec, 2010 — Surveillance volontaire des cours d’eau peu profonds, Direction du suivi de l’état de l’environnement, ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, ISBN : 978-2-550-58416-2 (version imprimée) 82 p. (incluant 1 ann.)

Paulson, D. 2011. Dragonflies and damselflies of the east. Princeton University Press.538 p.


Savard, M. 2011. Atlas préliminaire des libellules du Québec (Odonata). Initiative pour un atlas des libellules du Québec avec le soutien d'Entomofaune Québec (EQ), Saguenay, Québec, 53 p.

mardi 15 octobre 2013

Ruisseau de la Brasserie: Bilan 2013


J'ai visité le ruisseau de la Brasserie à la mi-juillet, c'est-à-dire au pic de la saison des libellules. J'ai remonté le ruisseau à partir de la rue Montcalm (Brasseurs du Temps) jusqu'à l'embouchure du ruisseau (jonction avec la rivière des Outaouais) (Carte Google du parcours). J'ai parcouru environ 3 km sur 2 après-midis, le 12 et le 23 juillet. J'ai observé 31 espèces au total. En y ajoutant 4 espèces vues et photographiées par des collaborateurs au cours de la saison, on cumule 35 espèces d'Odonates au ruisseau de la Brasserie.


Biodiversité:

Le grand nombre d'espèces observées sur une si courte période est indicateur d'une grande richesse écologique. C'est un résultat surprenant pour un ruisseau urbain. 

Aucune des espèces observées n'est particulièrement sensible à la pollution. Par contre, toutes demandent des bandes riveraines bien conservées (incluant la végétation aquatique, herbacée, arbustive et arborée). Il n'est donc pas surprenant de constater que les libellules sont particulièrement diversifiées et abondantes dans la dernière partie du ruisseau, qui est aussi la plus naturelle.

Tout près du pont du boulevard Fournier, l'emplacement où j'ai trouvé la plus grande richesse de libellules.

Cette canalisation se déverse dans le ruisseau tout juste vis-à-vis cet emplacement. La pollution ne semble pas un problème pour les espèces de libellules que j'ai observées ici.


Espèces d'introduction récente:

J'ai trouvé des exuvies de 2 espèces d'introduction très récente en Outaouais: la Pachydiplax (Pachydiplax longipennis) et la Périthème délicate (Perithemis tenera). Il s'agit d'espèces extrêmement prolifiques dans les milieux urbains de l'est américain, comme à New-York, par exemple. Ces 2 espèces ont été répertoriées pour la première fois en Outaouais à l'été 2012. La découverte d'un grand nombre d'exuvies au Ruisseau de la Brasserie démontre, pour la première fois, que ces libellules peuvent se reproduire et hiverner à Gatineau. Il sera intéressant de faire le suivi de cette population au fil des années.

Libellule Pachydiplax (Pachydiplax longipennis) mâle
Périthème délicate (Perithemis tenera) mâle


Espèces vulnérables ou menacées:

J'ai observé 2 espèces susceptibles d'être désignées vulnérables ou menacées: l'Érythème des étangs (Erythemis simplicicollis) et le Leste matinal (Lestes vigilax). Il s'agit de 2 espèces qui, comme la Pachydiplax et la Périthème délicate, se trouvent ici à la limite nord de leur aire de répartition. L'Érythème des étangs est présent dans plusieurs autres sites à Gatineau. Par contre, le Leste matinal a une distribution très localisée. Le Ruisseau de la Brasserie est donc un endroit privilégié pour observer cette élégante demoiselle.

Érythème des étangs (Erythemis simplicicollis), femelle (Rivière des Outaouais- Aylmer,  4 septembre)

Leste matinal (Lestes vigilax), mâle immature (Parc de la Gatineau-Lac Meech, 14 juillet)


Espèces à découvrir:

Un inventaire sur une plus longue période et avec davantage d'observateurs permettrait assurément d'ajouter d'autres espèces à la liste. Il y a des espèces que j'ai trouvées tout à côté, au parc du Lac Leamy, et que je m'attendrais à trouver également au ruisseau de la Brasserie, comme des Leucorrhines (en particulier la Leucorrhine mouchetée, Leucorrhinia intacta), le Gomphe fourchu (Arigomphus furcifer), l'Agrion posé (Ischnura posita), l'Aeschne constrictor (Aeshna constricta) et bien d'autres encore.

Larve aquatique du Gomphe fourchu (Arigomphus furcifer), décharge du Lac Leamy,  29 août.
Le bout de l'abdomen très allongé permet à la larve de respirer alors qu'elle est enfouie dans la vase. 


Bilan:
Pour ce qui est des libellules et demoiselles (Odonata) typiques des milieux d'eau stagnante, le Ruisseau de la Brasserie semble un habitat très favorable. La pollution ne semble pas les gêner. La dernière partie du ruisseau est définitivement  l'un des sites les plus intéressants dans Gatineau pour l'observation de ces libellules. Pour ce qui est des libellules typiques des milieux d'eau courante, le portrait est beaucoup moins riche. Ces espèces demandent pour la plupart de l'eau bien oxygénée, dépourvue de sédiment en suspension et au débit régulier. Ces conditions ne sont pas présentes actuellement au ruisseau de la Brasserie.


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Liste des espèces observées le 12 juillet 2013:
Caloptéryx bistrée- Ebony Jewelwing (Calopteryx maculata)
Leste flamboyant (Lestes eurinus)
Leste tardif- Spotted Spreadwing (Lestes congener)
Leste inégal- Elegant Spreadwing(Lestes inaequalis)
Leste élancé- Slender Spreadwing (Lestes rectangularis)
Leste matinal-Swamp Spreadwing (Lestes vigilax)
Agrion vertical- Eastern Forktail (Ischnura verticalis)
Déesse paisible- Sedge Sprite (Nehalennia irene)
Agrion exilé- Stream Bluet (Enallagma exsulans)
Agrion enivré- Marsh Bluet (Enallagma ebrium)
Agrion vespéral- Vesper Bluet (Enallagma vesperum)
Agrion des scirpes- Tule Bluet (Enallagma carunculatum)
Agrion orangé- Orange Bluet (Enallagma signatum)
Agrion arc-en-ciel- Rainbow Bluet (Enallagma antennatum)
Argie violacée- Variable Dancer (Argia fumipennis violacea)
Argie svelte- Powdered Dancer (Argia moesta)
Anax précoce- Common Green Darner (Anax junius)
Épithèque princière- Prince Baskettail (Epitheca princeps)
La Gracieuse- Twelve-spotted Skimmer (Libellula pulchella)
La Lydienne- Common Whitetail (Plathemis lydia)
La Mélancolique-Widow Skimmer (Libellula luctuosa)
Sympétrum semi-ambré- Band-winged Meadowhawk (Sympetrum semicinctum)
Sympétrum éclaireur- White-faced Meadowhawk (Sympetrum obtrusum)
Érythème des étangs- Eastern Pondhawk (Erythemis simplicicollis)
Pachydiplax- Blue Dasher (Pachydiplax longipennis)
Périthème délicate- Eastern Amberwing (Perithemis tenera)

Espèces supplémentaires observées le 27 juillet 2013 (dernière partie du ruisseau seulement, que je n'avais pas inventoriée le 12 juillet):
Agrion minuscule- Skimming Bluet (Enallagma geminatum)
Gomphe marqué- Elusive Clubtail (Stylurus notatus)
La Voluptueuse- Slaty Skimmer (Libellula incesta)
Célithème géante- Halloween pennant (Celithemis eponina)
Sympétrum intime- Cherry-faced Meadowhawk (Sympetrum internum)

Espèces supplémentaires rapportées par une collaboratrice (merci Mélissa Courchesne du blogue Inventaire du ruisseau de la Brasserie!)
Macromie brune (Didymops transversa)
Épithèque à queue de beagle (Epitheca cynosura)
Aeschne printanière (Basiaeshna janata)
Aeshne des pénombres (Aeshna umbrosa)


Total pour 2013: 35 espèces


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Il n'y a pas que des libellules au ruisseau de la Brasserie. Sentinelle Outaouais et les Amis du Ruisseau de la Brasserie nous invitent ce dimanche, 20 octobre, à une rencontre d'information et d'échanges:


 

mardi 8 octobre 2013

Libellules d'octobre

Au Marais Groulx, dans le quartier de Deschênes (secteur Aylmer):

1er octobre

Aeschne du Canada (Aeshna canadensis) mâle, 1er octobre.

Aeschne du Canada (Aeshna canadensis) mâle, 1er octobre.

Aeschne du Canada (Aeshna canadensis), femelle en train de pondre le 8 octobre.

Aescne constrictor (Aeshna constricta) mâle et femelle, surpris alors qu'ils s'accouplaient le 1er octobre

Aescne constrictor (Aeshna constricta) mâle et femelle, surpris alors qu'ils s'accouplaient le 1er octobre

Aeschne constrictor (Aeshna constricta) en train de pondre, 1er octobre

Des centaines -ou peut-être des milliers- de Sympétrum tardif (Sympetrum vicinum) pondent le 8 octobre

Dernière émergence d'Anax précoce (Anax junius) de l'année (1er octobre)?

jeudi 3 octobre 2013

Forêt Boucher: bilan de saison 2013

Le 5 septembre, la ville de Gatineau a annoncé la création du parc de la Forêt Boucher!

La Ville a attribué un zonage récréatif à cette forêt d'environ 700 acres et a affirmé sa volonté de la protéger et de la mettre en valeur pour les générations futures. Bravo! Bien sûr, des sceptiques pourraient rappeler que le ministère des transports possède tout le centre de cette grande forêt et projette d'y construire une autoroute. D'autres trouble-fêtes pourraient aussi critiquer la notion de "mise en valeur" de la ville (cabane à sucre, tour d'observation, grande patinoire, parc à chiens sans laisse, etc).

Mais ne soyons pas cyniques, et enchaînons avec le sommaire des libellules que j'ai vues dans la Forêt Boucher au cours de la saison:

Tout d'abord, la rarissime Aeschne pygmée (Gomphaeschna furcillata):

Aeschne pygmée (Gomphaeschna furcillata) femelle, le 4 juin 2013 (en compagnie de Nathalie Bussières)

Ça m'énerve quand on me demande: pis, as-tu vu quèqu'chose de rare? Je vous le dis tout de suite: la seule espèce de libellule vraiment rare que j'ai vue cet été, c'est celle-là. L'Aeschne pygmée est considérée rare dans l'ensemble de son aire de répartition. Susceptible d''être désignée menacée ou vulnérable au Québec. Elle a un statut d'espèce vulnérable, en péril ou sévèrement en péril dans 25 états américains. Rare au possible. Pourquoi est-elle si rare? Peut-être parce qu'elle vit dans les tourbières et les marécages forestiers, des habitats peu communs et peu protégés.

Une fois évacuée la question de la rareté, la question suivante est souvent: t'en a tu vu beaucoup?  J'ai vu au moins 24 espèces.  Pas beaucoup comparativement aux quelques 125 espèces qui ont été répertoriées dans la région de l'Outaouais. Tout de même pas mal pour un territoire pourvu uniquement, en terme de milieu humide, de mares, d'étangs temporaires et de ruisseaux/fossés de drainage.

Quelques photos (en ordre chronologique; certaines sont reprises de billets précédents): 

Lydienne (Plathemis lydia), mâle immature (3 juin 2013)
Lydienne (Plathemis lydia), femelle immature (3 juin 2013)

Gomphe exilé (Gomphus exilis), femelle immature (3 juin 2013)

Anax précoce (Anax junius) (3 juin 2013)

Quadrimaculée (Libellula quadrimaculata), immature (4 juin 2013)


Épithèque à queue de beagle (Epitheca cynosura) (4 juin 2013)
 Épithèque canine (Epitheca canis) (4 juin 2013)
Julienne (Ladona julia), femelle immature (5 juin 2013)

Leucorrhine frigide (Leucorrhinia frigida) femelle (5 juin 2013)


Cordulie écorcée (Dorocordulia libera) (14 juin 2013)

Cordulégastre maculé (Cordulegaster maculata) mâle (14 juin 2013)

Leste à forceps (Lestes forcipatus), femelle ténérale tout juste émergée d'une ornière (19 juin 2013)

Leste dryade (Lestes dryas) mâle, parasité par des mites d'eau (11 juillet 2013)


Sympétrum intime (Sympetrum internum) (25 septembre 2013)
Leste tardif (Lestes congener) femelle (25 septembre 2013)

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La forêt Boucher est immense. Je suis loin d'en avoir exploré tous les coins. Voici quelques photos des habitats que j'ai visité régulièrement durant la saison 2013. Vous remarquerez qu'ici, on passe vite de l'extrêmement sec à l'extrêmement humide.

Premièrement, mon "sentier à libellules". C'est le prolongement du chemin Antoine Boucher.

14 juin: très riche en libellules immatures

25 septembre: plus rien


Au bout du sentier, le champ sec. Un terrain de chasse pour les libellules.

4 juin 2013. Nathalie Bussières en chasse.

Au bout du champ, on monte une petite butte et on se retrouve sur la lune:


Il y a ici une cuvette qui a été remplie d'eau pendant une bonne partie de la saison. J'y ai cherché des larves, mais n'en ai trouvé aucune.

14 juin 2013: la cuvette est patrouillée par 2 Lydiennes.
20 août 2013: la cuvette est maintenant sèche.

25 septembre 2013: des Sympétrums tardifs pondent dans la cuvette à nouveau remplie d'eau.


On revient sur nos pas. On s'enfonce maintenant au nord du chemin Antoine-Boucher. Techniquement, nous voici donc en dehors du parc de la Forêt-Boucher. Le sentier est emprunté par les VTT, qui y creusent de profondes ornières. Ces ornières sont demeurées emplies d'eau jusqu'en juillet. J'ai constaté avec surprise que ces mares temporaires abritaient une faune très riche (crapauds, tritons, grenouilles des bois et, du côté des libellules, des larves de quelques espèces de Sympétrums et Lestes, des Lydiennes, Gracieuses, Quadrimaculées et Épithèques en patrouille). Ça fait beaucoup de monde dans une flaque d'eau!

3 juin

Enfin, on arrive dans l'habitat le plus spectaculaire du coin: le marécage forestier. Une somptueuse "swompe", grouillante de vie. S'aventurer ici, c'est risquer de s'y perdre et de s'y enliser à tout jamais. C'est aussi découvrir un lieu empreint de beauté et de mystère. Magique.

Quelques photos. En commençant par un magnifique étang temporaire (vernal pond):

3 juin: de l'eau aux cuisses

20 août: presque plus d'eau

L'étang est entouré de forêt plus ou moins inondée dépendant de la saison. Certains secteurs sont dominés par le Thuya occidental:

30 avril: beaucoup de canards et des crevettes éphémères.

3 juin: beaucoup de maringouins

 D'autres secteurs sont dominés par l'Érable argenté et le Frêne noir:



11 juillet:
Ce jour-là j'ai vu une Aeschne de taille modeste et de couleur terne qui sondait les billots  avec son ovipositeur.  L'Aeschne pygmée? Fort possible.


20 août: presque sec

L'immense marécage forestier est situé au nord du parc, probablement hors-limite.

Il y a d'autres milieux humides dans la forêt Boucher, entre autres un grand marais herbeux et un ruisseau/fossé dans la partie sud du parc. Je n'ai fait que passer dans ces milieux. Ce serait certainement intéressant de les visiter plus régulièrement lors d'une prochaine saison.

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En résumé, la Forêt Boucher est pourvue d'une grande variété d'étangs vernaux, certains en milieu ouverts (cuvettes, ornières), certains en milieu forestier. Les scientifiques s'intéressent de plus en plus à ce type de milieux humides mal aimés (des "trous à bébittes"), mal protégés, mais qui sont les hôtes d'une flore et d'une faune vraiment uniques. L'inventaire préliminaire des libellules de la Forêt Boucher a confirmé la richesse de ses étangs vernaux, notamment par la découverte d'une libellule très rare, l'Aeschne pygmée. Il est à espérer que la création du parc municipal de la Forêt Boucher, annoncée le 5 septembre dernier par la ville de Gatineau, permettra de protéger la biodiversité de ces habitats et de les faire connaître et aimer de ses citoyens.


Liste préliminaire des espèces vues dans la Forêt Boucher au cours de la saison 2013:

Leste dryade (Lestes dryas)
Leste disjoint (Lestes disjunctus)
Leste à forceps (Lestes forcipatus)
Leste élancé (Lestes rectangularis)
Agrion boréal (Enallagma boreale)
Agrion résolu (Choenagrion resolutum)
Aeschne pygmée (Gomphaeschna furcillata)
Aeschne constrictor (Aeshna constricta)
Anax précoce (Anax junius)
Gomphe exilé (Gomphus exilis)
Cordulégastre maculé (Cordulegaster maculata)
Cordulie écorcée (Dorocordulia libera)
Épithèque canine (Epitheca canis)
Épithèque à queue de beagle (Epitheca cynosura)
Macromie brune (Didymops transversa)
Lydienne (Plathemis lydia)
Julienne (Ladona julia)
Quadrimaculée (Libellula quadrimaculata)
Gracieuse (Libellula pulchella)
Leucorrhine mouchetée (Leucorrhinia intacta)
Leucorrhine frigide (Leucorrhinia frigida)
Sympétrum intime (Sympetrum internum)
Sympétrum éclaireur (Sympetrum obtrusum)
Sympétrum tardif (Sympetrum vicinum)

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Localisation:

Emplacement de la Forêt Boucher et points d'accès (Google map)


Emplacement des sites que j'ai visités (Google Earth):




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Sources: